Vidéosurveillance dans les chambres d’Ehpad : la CNIL publie sa recommandation

02 mai 2024

Adoptée à la suite d’une consultation publique, cette recommandation rappelle que les Ehpad ne sont pas censés installer des dispositifs de vidéosurveillance dans les chambres des résidents, sauf circonstances exceptionnelles.

À la suite de la médiatisation de cas de maltraitance au sein d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), la CNIL a été saisie de plusieurs demandes de conseil concernant l’installation de dispositifs de vidéosurveillance dans les chambres des résidents de ces établissements.

Afin de répondre à ces préoccupations, la CNIL a ainsi soumis un projet de recommandation à une consultation publique en 2023. Les nombreuses contributions reçues lui ont permis de mieux comprendre les préoccupations du public et les besoins du secteur, et d’enrichir sa recommandation définitive.

Des conditions restrictives de mise en œuvre

Dans sa recommandation, la CNIL précise les conditions qu’un établissement doit remplir avant d’envisager la mise en place d’un dispositif de vidéosurveillance dans des chambres de résidents. En principe, une telle installation ne peut être envisagée que pour assurer la sécurité des personnes hébergées dans le cadre d’une enquête pour maltraitance (conditions cumulatives) seulement :

  • en cas de suspicion étayée de mauvais traitements (hématomes constatés, changements comportementaux, etc.) malgré les dispositifs alternatifs mis en place pour assurer la sécurité des personnes hébergées (par exemple, un bouton d’appel d’urgence sans fil, des procédures de signalement et de suivi d’événements préoccupants, la création d’équipe de travail afin de permettre l’intervention des soignants en binôme) ;
     
  • ET après échec des procédures d’enquêtes n’ayant pas permis de détecter une situation de maltraitance, dès lors qu’un doute subsiste.

Avant la mise en place d’un dispositif de vidéosurveillance, l’établissement doit notamment respecter les garanties suivantes :

  • limiter l’activation dans le temps ;
     
  • désactiver le dispositif de vidéosurveillance lors des visites des proches, sauf si le soupçon de maltraitance porte sur ces derniers ;
     
  • établir et appliquer un cadre interne quant aux conditions justifiant l’installation d’un dispositif de vidéosurveillance. Cette procédure devrait avoir été préalablement présentée au Conseil de la vie sociale (CVS), qui pourra formuler des propositions ;
     
  • informer les salariés de manière individuelle et collective quant à la possibilité que des dispositifs de vidéosurveillance soient installés au sein des chambres des résidents ;
     
  • recueillir le consentement des personnes hébergées ou lorsque la personne n’est pas en mesure de consentir, celui-ci devra être recueilli dans le respect des règles spécifiques liées à la protection des majeurs ;
     
  • « flouter », dans la mesure du possible, les parties intimes de la personne concernée dès lors que les soins qui lui sont apportés sont réalisés dans son lit ;
     
  • insérer au sein du règlement intérieur la possibilité qu’un dispositif de vidéosurveillance soit mis en place dans la chambre d’un résident en cas de suspicions fortes de maltraitance et y faire notamment figurer les modalités de visionnage ;
     
  • lorsque la demande émane de la famille ou des proches, l’installation d’un tel dispositif devrait être réalisée en concertation avec l’établissement, tenant compte des procédures d’enquêtes, du respect du cadre interne en matière de faisceaux d’indices, de l’information du personnel, le cas échéant ;
     
  • sensibiliser et former le personnel chargé de gérer et de mettre en œuvre ces dispositifs.

L’interdiction d’installer des caméras pour améliorer le service offert à la personne concernée

Au regard des atteintes à la dignité des personnes hébergées, il est en principe interdit d’installer des caméras pour améliorer le service offert à la personne concernée en renforçant son « confort » (par exemple intervention rapide en cas de demande particulière formulée par la personne), même lorsqu’elle a donné son consentement. La CNIL estime à cet égard que d’autres dispositifs moins attentatoires à la vie privée des personnes hébergées existent et devraient être privilégiés pour atteindre cette finalité (enquêtes de satisfaction, cahiers de doléance, dispositifs d’appel-malade, dialogue avec le Conseil de vie sociale, etc.).

Par ailleurs, pour assurer la sécurité des personnes hébergées en cas de chute ou d’accident, la CNIL rappelle que des dispositifs autres que ceux utilisant la vidéosurveillance peuvent être mis en place (capteurs de présence placés sous le sol et susceptibles de détecter la moindre anomalie, bracelet susceptible de détecter une chute brutale grâce à un accéléromètre, capteurs/boitiers infrarouges capables de détecter une chute et d’envoyer un message d’alerte au personnel, etc.).

La nécessité de réaliser une analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD)

Au regard des risques élevés qu’est susceptible d’engendrer ce traitement pour les droits et libertés des personnes concernées, les organismes mettant en œuvre ce dispositif de vidéosurveillance devront réaliser une AIPD.

La CNIL se tient, à cet égard, à la disposition des organismes pour les accompagner dans la réalisation de leur AIPD.